La Pêche à Pied sur Oléron
C’est dans le cadre de la semaine du développement durable que j’ai pu assister à une conférence sur la pêche à pied, organisée par l’IODDE en partenariat avec la commune de La Brée et de la Communauté de communes de l’Ile d’Oléron. J’ai été bon élève : j’ai pris des notes. Voilà donc l’occasion de revenir sur ce qu’est la pêche à pied et comment la pratiquer dans le meilleur respect de la nature.
L’estran est la partie du littoral située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées
Pratiquer la pêche à pied sur l’île d’Oléron
Pour commencer, rappelons qu’il existe trois principaux types d’estrans à Oléron : sables, rochers et vases. Chacun d’eux représente un type de pêche différent. Bien sûr, on y trouve des coquillages et espèces différentes.
A Saint- Denis d’Oléron, la zone située à l’Ouest du phare de Chassiron, entre les écluses « Les jeunes pointes » et «La vieille longe» (provisoirement interdite à la pêche en tant que zone de reconquête 2007-2009). Cette zone de pêche fait l’objet d’un suivi scientifique sur le milieu rocheux.
Les écluses à poissons, les bouchots de moules et les parcs à huîtres sont des concessions. Seuls les ayant-droits peuvent s’y rendre. Toute pêche à pied est interdite sur ces zones et à 25 mètres autour.
Pour des raisons sanitaires, et pour ne pas gêner le passage des professionnels, il est également interdit de pêcher dans les chenaux, ports, et toute zone interdite par la DDASS (existence de germes et autres bactéries)
Les bons gestes pour profiter de sa récolte (source : IODDE.org)
Les animaux doivent rester au frais et être encore vivants jusqu’à leur préparation. Les coques et Donaces devront être dégorgées au moins 12 heures dans l’eau de mer propre pour en retirer le sable, sinon «O grosse !» (Ça croustille, en patois). Les palourdes seront frottées et rincées pour les débarrasser de la vase collée aux coquilles, et peuvent être dégorgées au moins quelques minutes.
Les estrans de marennes Oléron sont-ils encore en bonnes santé ?
Le représentant de l’association Iodde nous a fait part des résultats d’une étude menée sur les estrans d’Oléron, sur 2008-2009.
R.E.V.E. : Reconquête Et Valorisation des EstransIl y a plus de 15 ans, quelques pêcheurs à pied locaux ont commencé à s’inquiéter des évolutions qu’ils constataient sur le terrain… Certaines espèces, que l’on pêchait à pied assez facilement il y a une ou deux générations, ont presque disparu (le homard, le tourteau…). D’autres sont en voie de raréfaction (coques, palourde locale…). Leurs efforts ont enfin abouti à la rédaction d’un projet, porté par l’association IODDE, qui consiste à rassembler tous les acteurs (collectivités, associations, professionnels du tourisme, pêcheurs, scientifiques de l’Ifremer), pour établir le diagnostic partagé de ce qui se passe sur les estrans, et en déduire les actions les plus judicieuses. L’objectif est que la pêche à pied puisse perdurer, car c’est à la fois un pilier de l’identité locale, et une source d’attractivité.
L’étude a mobilisée 1,5 salarié durant 1 an, et a permis de récolter et analyser plus de 2000 tonnes de comptage (récolte des pécheurs de marche à pied). L’examen des pêches est une source d’information extrêmement riche (observation des paniers, pèse, interview). Une trentaine de comptages collectifs permirent d’ailleurs de collecter de précieux chiffres et photos de l’estran. L’IODDE donnera l’exemple d’un comptage collectif qui aura rassemblé 5756 pêcheurs volontaires sur Oléron.
L’étude de l’IODDE a dressé un profil type du pêcheur à pied :
60% des pêcheurs à pied sont des hommes
86% de ceux qui pratiquent la pêche à pied à Oléron en ignorent les règles
Sur les 45000 personnes qui pratiquent la pêche à pied chaque année sur le bassin de marennes, seuls 8% des pêcheurs sont originaires d’Oléron.
92% des pêcheurs exercent donc la pêche à pied en tant qu’activité touristique.
Chaque année, les adeptes de la pêche à pied récoltent sur le bassin de Marennes Oléron environ 35 tonnes d’étrilles (soit 400.000 unités), 160 tonnes de palourdes,11 à 17 tonnes de flions et 40 tonnes de coques la pêche aux coques étant toutefois très variable d’année en années.
A cela s’ajoute les récoltes d’huîtres, bigorneaux, patelles, et araignées de mer.
L’étude menée par l’IODE a révélé six problèmes majeurs qui mettent en péril le milieu naturel de l’estran (problèmes aggravés par le tourisme de masse)
Le mauvais respect des tailles réglementaires (ex : 55% des palourdes récoltées ne sont pas aux normes)
Le gaspillage des espèces pêchées (surplus, mauvaise conservation, certains pêcheurs récoltent plus de coquillages qu’ils n’en consommeront réellement)
La destruction physique des milieux : le labourage des sols et le retournement des roches ont de réelles conséquences sur le milieu naturel et ses espèces
Le non-respect des concessions : certains individus outrepassent leur droit et pratiquent la pêche à pied dans les parcs à huîtres, les écluses à poissons ou dans d’autres propriétés privées…
Le risque sanitaire : le risque associé à la marée montante, qui peut surprendre nombre de pêcheurs non expérimentés.
La perte patrimoniale. Le transfert du savoir-faire, et des coutumes de la pêche à pied semble se perdre peu à peu, de génération en génération. Il est ressort alors des habitudes de pêche moins respectueuses de l’estran.
Le retournement des roches et le gaspillage restent, de loin, les deux plus grands ennemis de l’estran. D’année en années, le retournement des roches entraine une diminution de la quantité et de la qualité des espèces. Plus les roches sont retournées, moins les espèces se renouvellent dans de bonnes conditions. Dégradation des vasières, pelouse sous-marine saccagée, les pratiquent des « retourneurs » de roche nuisent fortement au maintien et respect de l’écosystème.
Un travail pédagogique
Forcé de constater que les normes de la pêche à pied sont mal connues et pas toujours respectées, l’iodde, en collaboration avec les communes d’Oléron a donc mis en place un vaste programme pédagogique de sensibilisation.
20.000 réglettes furent éditées et distribuées sur les zones de pêche afin d’aider au respect de la « maille »
40.000 dépliants sur les règles de pêche furent distribuésDe nombreuses campagnes de sensibilisation furent menées sur le terrain par les membres de l’association
40 panneaux d’information (déclinés sous 3 messages) ont été implantés sur les plages qui accueillent les pêcheurs à pieds
Le travail pédagogique fut également relayé par les centres de loisirs, des associations, la presse et l’IODDE rappelle quelques passages TV en 2008.
72% des pêcheurs trient leurs coques contre 5% pour les palourdes
Pour faciliter votre pêche, une réglette indiquant les mailles réglementaires est à votre disposition dans les Offices de tourisme.
La pêche à pied est ouverte à tous mais encadrée par des règles que chacun doit connaitre et appliquer. La pêche à pied est autorisée du lever au coucher du soleil. On peut récolter au maximum 5 kilos par personne et par jour.
Les tailles minimales (mailles légales) sont les suivantes :
2,5 cm pour les flions (Donaces),
3 cm pour les coques,
4 cm pour les palourdes, pétoncles, praires et moules,
10 cm pour les couteaux,
5 cm (longueur) pour les étrilles,
12 cm pour les araignées (et 6 individus maximum),
13 cm (en largeur) pour les tourteaux.
Respectez l’estran
L’estran est un milieu naturel vivant et fragile, alors voici donc quelques conseils que vous retrouverez sur la brochure éditée par l’iodde :
Les roches doivent être remises en place car elles ont un sens : dessus, des algues ; dessous, de petites espèces, leurs pontes, larves, et leurs abris.
Le piétinement est parfois destructeur : gisements de coquillages, massifs d’Hermelles…. Attention où vous marchez.
L’utilisation de fourches ou de râteaux détruit la couche supérieure de la vasière avec son cortège d’animaux et de plantes. Cela nuit à la régénération du milieu. De plus, ce n’est pas une technique efficace dans la région.
N’arrachez pas les algues car cela compromet leur repousse.
Découvrez la faune de l’estran avec vos enfants ! Remettez les animaux à leur place après observation. Un estran vivant est bien mieux qu’un aquarium, et on peut y revenir librement !
Les crustacés qui viennent de muer (carapace ou articulations molles) sont pleins d’eau : relâchez-les, délicatement. Laissez également les femelles de crustacés qui portent des œufs.
Évitez de récolter et de déranger les espèces rares. Par exemple, les praires et les crabes de rocher mériteraient quelques années de répit.
Ne pêchez que ce que vous êtes certain de consommer effectivement.
L’avenir de la pêche à pied
Il existe dorénavant des rencontres nationales sur la pêche à pied, et les réflexions autour de la protection des estrans continuent. A l’instar le la réserve Naturelle de Moëze (qui s’étend sur Oléron entre le chenal de Boyardville et le chenal du Château), des zones deviennent interdites à la pêche, où se voient classées comme zones de reconquêtes. Quant au projet de « permis de pêche à pied », en réflexion depuis plusieurs années, il est toujours à l’étude.
La pêche à pied par grandes marées
Les grandes marées attirent chaque année quelque 2 millions de pêcheurs à pied sur le littoral du grand ouest. Il est important de respecter les consignes de sécurité face aux dangers de l’estran à marée montante.
Comme pour une sortie en mer, la pêche à pied impose impérativement de prendre connaissance, en plus des horaires de marée, du bulletin météo, de prévenir l’entourage et de ne pas partir seul, insiste la préfecture maritime. Les autorités recommandent également de se rendre dans des endroits connus ou de se renseigner sur le lieu de pêche à l’office de tourisme ou à la mairie, et de se munir d’un moyen de communication ou de signalisation. Le non-respect des règles de sécurité et une part d’inconscience sont à l’origine de plusieurs décès à chaque grande marée.
Au-delà de ça, soulignons aussi l’importance à apporter aux coquillages et crustacés récoltés lors de la pêche à pieds.
La qualité sanitaire des coquillages peut être influencée par les activités de l’homme. Ils peuvent alors devenir impropres à la consommation.
Compte tenu de leur mode de vie et de leur alimentation basée sur la filtration de l’eau de mer, les coquillages, surtout les bivalves filtreurs (moules, huîtres, palourdes, coques…) sont capables de concentrer les polluants présents dans l’environnement marin. Les polluants que peuvent concentrer les coquillages sont de trois types : les germes pathogènes (bactéries et virus), le phytoplancton toxique et les composés chimiques (métaux lourds, hydrocarbures, pesticides).